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Et dans Chat en poche cet aveuglement atteint des sommets: c'est le triomphe du dialogue de sourds. Toute la beauté de cette pièce réside dans la perfection de l'absurde, du « nonsense ». Comme la Alice de Lewis Carroll descend dans le grenier, Dufausset passe la porte d'une maison de fous où tout paraît normal. Normal qu'on le prenne pour le ténor célèbre qu'il n'est pas. Normal qu'on lui offre de toucher 3 500 francs* par mois. Normal qu'Amandine voit en lui l'homme qu'elle a un jour croisé dans la colonne Vendôme. Dès qu'on franchit le seuil d'une telle maison on est perdu. Feydeau va faire durer avec obstination le quiproquo initial qui entraînera tous les autres en cascade, un premier mensonge en générant un autre. Comme la boule de neige de Bergson, la situation initiale, loin de se délier, prend inexorablement de l'épaisseur et rapidement, prisonniers de cet engrenage, les personnages perdent le contrôle de la situation, donnant l'étrange impression de creuser eux-mêmes leur tombe.

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Prenant le contre-pied d'un théâtre qui va à cent à l'heure, le directeur du Quai, à Angers, crée un Chat en poche qui s'amuse à prendre son temps. Entre digressions, clins d'œil et embardées à la lisière du surréalisme, Frédéric Bélier-Garcia joue les rondeurs de la chair contre la sécheresse de la mécanique. Du théâtre de Georges Feydeau (1862-1921), on voit souvent jaillir des cavalcades, des effets de glissades et d'accélération, la précision – au millimètre – de réactions en chaîne, de ballets d'entrées et sorties, de quiproquos et d'actes manqués. Tout ceci à outrance. C'est précisément ce que semble avoir voulu éviter Frédéric Bélier-Garcia dans la version atypique de Chat en Poch e que le directeur du Quai met actuellement en scène à Angers. Une version qui prend son temps, qui se tient à distance de cette hystérisation des situations et des personnages, ainsi que de la forme d'assèchement qui peut en résulter. Ce spectacle composé de toutes sortes d'incises et d'ajouts, de clins d'œil burlesques, s'appuie en effet non seulement sur les répliques ciselées de Georges Feydeau, mais également sur la vie des personnages qui les profèrent.

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Chat en poche de Feydeau Centre dramatique national le Quai, à Angers Une œuvre folle, loufoque. Extravagante à souhait. Créée le 19 novembre 1888 au Théâtre Dejazet, à Paris, à peine mise à l'affiche que retirée, Chat en poche narre les heurs et malheurs d'un étudiant de Bordeaux venu achever ses études à Paris. Son père l'a envoyé chez Pacarel, un ami « enrichi dans la fabrication du sucre par l'exploitation des diabétiques ». Las, celui-ci attend au même moment un ténor réputé – lui aussi de Bordeaux – qu'il a « acheté chat en poche » (c'est-à-dire sans vérifier la qualité de son achat) afin de faire créer, à l'Opéra de Paris, le Faust de Gounod réécrit… par sa fille, Julie. Quand le jeune homme se présente, il le prend pour son chanteur, lui offre du lait de poule (pour sa voix) et un contrat fabuleux! L'étudiant résiste d'autant moins qu'il en pince pour Marthe, l'épouse de Pacarel qu'il confond, hélas encore, trois fois hélas, avec Amandine, une amie de cette dernière. De quiproquos en malentendus – ou, plutôt, mal entendus –, de calembours en répliques à l'emporte-pièce, la machine se met en marche.

Un tourbillon de quiproquos « Mais je n'ai nulle envie d'aller chez les fous » fit remarquer Alice. « Oh! Vous ne saurez faire autrement, dit le Chat: Ici, tout le monde est fou. Je suis fou. Vous êtes folle. » « Comment savez-vous que je suis folle? » demanda Alice. « Il faut croire, répondit le Chat, que vous l'êtes; sinon, vous ne seriez pas venue ici. » Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles Pour imposer au répertoire lyrique parisien l'oeuvre fantaisiste de sa fille unique et assurer à son nom une belle postérité, un bourgeois de la capitale décide de s'offrir, transfuge de l'opéra de Bordeaux, le ténor le plus convoité du moment. L'entrée en scène du premier girondin venu va déclencher des fantasmes de toutes sortes dans ce petit monde confit dans son égocentrisme, sa frustration et ses rêves de gloire… Chat en poche est la deuxième longue pièce d'un Feydeau de 26 ans et l'on y sent toute sa jubilation à tirer les ficelles d'un vaudeville atypique, sans mari trompé, sans jupon retroussé, à jouer en virtuose avec le langage, l'esprit des répliques, les malentendus en chaîne, entraînant ses personnages dans un tourbillon de quiproquos presque surréaliste.

July 18, 2024